Le village de Saint-Guilhem-le-Désert est un havre de paix au creux d’un écrin de verdure adossé aux premiers contreforts du Larzac.
Serpentant au cœur de la vallée au fond de laquelle il prend sa source, le « Verdus » a fourni à l’homme l’eau indispensable à sa survie. C’est l’oasis au milieu du désert qui actionna jusqu’au XIXème siècle, de nombreux moulins à huile, à blé et à tan.
Indispensable à la fondation de l’Abbaye et plus tard au village, il fut aussi responsable des catastrophes naturelles les plus dévastatrices en ces lieux.
Ici, on se souvient toujours des terribles inondations de 1817 et 1907 qui successivement, emportèrent les reliques du Saint-Fondateur et dévastèrent plusieurs maisons du village. Malgré la dénomination « Saint-Guilhem-le-Désert » qui pourrait évoquer une place aride, le site est un univers minéral.
Où que l’on se trouve dans la vallée, on est environné par de hautes falaises calcaires où s’accrochent le thym, le laurier, la lavande… Le ruissellement des eaux du Verdus et des fontaines participent à l’atmosphère de sérénité qui émane de ces lieux où l’abbaye trône telle une majesté depuis bientôt mille ans.
Imposante architecture romane du XIème siècle, l’aspect massif de ses murs extérieurs et de son chevet accentuent l’impression de sobriété de l’édifice.
L’absence de décoration et la pureté des lignes caractérisent l’architecture intérieure de l’église. Elle est tout à la fois, essence et existence du village, l’âme de ses ruelles et de ses habitants.
Ses habitants justement, des hommes et des femmes qui se sont battus avec leurs pauvres armes pour défendre un patrimoine trop souvent menacé.
Des « sauta rocs » comme on les nomme en occitan, ces vaillants agriculteurs qui aménageaient leur vallée par la construction de murs en pierre sèche.
Les terrasses ou « faïsses » en langue d’oc, résultant d’un savoir-faire millénaire et gravissant les pentes du Cirque de l’Infernet jusqu’aux crêtes.
C’est l’oléiculture et cette hostilité des sols karstiques des garrigues qui ont déterminé le nom des villageois : les « saute-rochers », forcés d’aménager avant de cultiver.
Les maisons du village se fondent dans ce paysage tant sauvage qu’apprivoisé.
Bâties en pierre locale, les couleurs de leur façade ne contrastent quasiment pas avec celle de leur environnement, seuls les toits aux tuiles patinées par le soleil, se distinguent de l’ensemble.
Tout au long de son histoire, le village a conservé sa forte identité médiévale.
Les maisons imbriquées les unes aux autres, d’architecture simple et modeste, répondent toutes à un schéma de construction précis et à unenécessité : il faut se loger et pouvoir travailler.
Au rez-de-chaussée, une grande porte donnait accès à un magasin, vaste salle voûtée abritant une étable et quelques cuves, et dans laquelle on entreposait l’outillage.
Une porte plus étroite, surélevée de deux ou trois marches donnant sur un escalier intérieur permettait l’accès au premier étage, seul et unique étage d’habitation.
L’étage supérieur était un grenier ou une paillière (stockage de la paille dont on se servait pour isoler les planchers), muni d’une poulie aménagée sur le linteau de la fenêtre. Souvent, ces greniers abritaient des élevages de vers à soie.
C’est ainsi que s’égrainent les jours à Saint-Guilhem-le-Désert, dans la douce atmosphère d’un village reculé où la régularité métronomique du ruissellement des eaux rythme la vie des hommes.
Le temps s’arrête alors, et un sentiment de plénitude inonde le visiteur et les curieux.
Passionnés d’architecture médiévale ou simple novice, ces lieux ne laissent personne indifférent.
Et Max Rouquette de conclure : « …un pays où les siècles se confondent, se heurtent, se mélangent, dans l’étrange vertige qui l’affronta dès l’origine, à l’éternité. »
HISTOIRE
Saint-Guilhem-le-Désert est un village monastique dont la fondation le 14 Décembre 804, s’inscrit dans le contexte historique et religieux de la région au début du IXème siècle, à savoir, les conflits opposants les défenseurs de l’Islam et ceux du christianisme.
Depuis la chute de l’Empire Romain d’Occident, la Septimanie (Languedoc-Roussillon actuel), occupée par les Wisigoths puis par les musulmans, est conquise par les Francs au VIIIème siècle.
Cette conquête appelée « Marche d’Espagne » est marquée par la victoire de Charles Martel (grand-père commun à Charlemagne et à Guilhem) à Poitiers en 732, qui ouvre aux Francs la voie de la Méditerranée.
Ainsi, la Septimanie voit fleurir un grand nombre de monastères fondés par de grands seigneurs qui participent à la construction de l’Empire, contribuant à son unité politique, économique, sociale et religieuse.
A partir du XIème siècle, les troubadours célèbrent Guilhem aux différents moments de sa vie et contribuent à la renommée de Gellone et de son « héros » fondateur au travers de la Geste de Guilhem d’Orange.
Le culte à Guilhem se développant depuis un siècle, l’Abbaye devient un véritable lieu de pèlerinage.
Les fidèles, notamment des pèlerins sur les Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, viennent se recueillir sur son tombeau mais aussi vénérer la relique insigne de la Sainte-Croix qu’il lui avait été confié par Charlemagne et que Guilhem emporta avec lui lors de sa retraite.
C’est dans ce contexte qu’à la deuxième moitié du XIème siècle, l’Abbé Pierre Ier entreprend la reconstruction de l’Abbaye, pur symbole du premier âge de l’Art Roman Languedocien, assumant ainsi l’ampleur de son rayonnement spirituel et sa fonction d’accueil pèlerin.
Toutefois, à partir du XIVème siècle, l’Abbaye va connaître une succession de faits qui vont amorcer son déclin progressif. Le premier phénomène nocif fut l’introduction de la commende : l’Abbé n’est plus élu par les moines de la communauté mais nommé par le roi qui le choisit parmi les membres du Haut Clergé.
Ces abbés qui cumulent les fonctions négligeront l’entretien de l’édifice et la discipline monastique. En 1569 pendant les guerres de religion, l’Abbaye est prise et pillée par les protestants et certaines sculptures sont endommagées.
A la suite de cet évènement, il fallut une grande part du mobilier et du temporel pour subvenir aux frais de réparation mais aussi pour payer une garnison dès 1570.
Un siècle plus tard, malgré les réparations engagées, le monastère se trouve dans un état de délabrement avancé. En réaction, les moines feront appel à la puissante congrégation de Saint-Maur qui aura pour mission de restaurer la vie monastique et qui effectuera de nombreux travaux, sauvant ainsi les bâtiments de la ruine totale.
En 1783, l’Abbaye est rattachée à l’évêché de Lodève et perd son indépendance séculaire. En 1790, l’institution monastique est supprimée. Le cloître et les bâtiments conventuels sont vendus en tant que biens nationaux et l’église abbatiale devient paroissiale.
Une filature de coton, une tannerie et plusieurs maisons privées investissent les bâtiments autour du cloître, qui sert définitivement de carrière de pierres suite à une crue dévastatrice du Verdus le 22 septembre 1817.
Dès 1840, la prise en charge de l’Abbaye par les Monuments Historiques stoppe le processus d’abandon.
Les restaurations successives entreprises à partir de 1960, restituent avec fidélité l’aspect originel de l’édifice. En 1987, l’ensemble de l’Abbaye de Gellone est classée parmi les Monuments Historiques et le 5 Décembre 1998, au patrimoine mondial par l’UNESCO au titre des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France.
Depuis la fin des années 70, une communauté du Carmel Saint-Joseph a rendu sa vocation première à l’Abbaye.
Aujourd’hui encore, le monastère s’impose comme l’un des plus importants foyers spirituels et culturels du Languedoc.